« Chers Confrères, Profitez du confinement pour voir des films ! pour lire ! Pour vous recentrer sur vous même ! Pour faire tout ce que vous n’avez jamais le temps de faire ! "
Ce conseil vous l’avez sans doute lu jusqu’à l’agacement sur les réseaux sociaux depuis que le confinement à commencé. D’accord. Mais quand même… On regarde quoi ? On lit quoi ?
Pour
ceux qui ont le temps, et l’envie, on vous a concocté une petite sélection de
films, de livres, et de séries à découvrir, à revoir ou à relire, qui parle de
justice et d’injustices aussi.
Parce qu’on le sait bien, ça nous manque à tous de ne pas vivre notre métier pleinement…
On commence tout de suite avec notre sélection films :
Le classique,
Douze hommes en colère, de Sydney Lumett (1957)
Dans
la catégorie classique de chez classique, ce chef d’œuvre de Sidney Lumett. Et
on triche déjà un peu puisqu’il n’y a pas d’avocat dans ce film. Oui, mais il y
a un jeune immigré accusé d’un parricide, et douze jurés qui doivent décider, à
l’issue du procès, de sa culpabilité. Tous sont persuadés qu’il est coupable.
Tous sauf un…seul au départ contre tous…celui-ci arrivera-t-il à faire douter
les autres? Un huis clos, ça tombe bien c’est le moment, magistral. Ceux qui ne
l’ont pas déjà vu doivent le voir. Les autres savent pourquoi ils voudront le
revoir.
Le suspense,
Une intime conviction, d’Antoine Raimbault (2018)
D’abord il y a Marina Fois, ce qui peut
être en soi un argument suffisant. Ici elle interprète une femme persuadée,
depuis qu’elle a assisté à son premier procès où il a été condamné pour le
meurtre de sa femme, de l’innocence de Jacques Viguier. Pour permettre de faire
la lumière sur son innocence et faire éclater ce qu’elle pense être la vérité
de cette erreur judiciaire, elle demande le soutien d’un ténor du barreau. Et
pendant que le procès avance, sa conviction vire à l’obssession. L’occasion
donc de (re)découvrir la vraie affaire Jacques Viguier. Avec Olivier Gourmet
dans le rôle de notre confrère Eric Dupond Moretti.
Le Césarisé,
Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand (2017)
Les
histoires d’amour finissent mal… en général. César du meilleur film en 2019,
Xavier Legrand met en scène un divorce houleux où un père et une mère se
battent pour la garde de leur enfant. La
réalité crue du contentieux judiciaire familial n’a jamais été aussi bien disséquée
à l’écran. C’est un vrai numéro d’équilibriste, un trhiller judiciaire psychologique
qui vous tient en haleine jusqu’à la dernière seconde. Un
film courageux qui raconte aussi la violence psychologique et physique, d’un
père et d’un mari qui se dit aimant mais dont la colère et les coups finissent
par s’abattre sur ceux-là mêmes qu’il dit vouloir garder.
A
bien des égards « Jusqu’à la garde » est un film d’utilité publique.
L’international,
Le procès de Viviane Amsalem, de Shlomi et Ronit Elkabetz (2014), Ophir du meilleur film (équivalant des cesars Israëliens)
En Israel,
aujourd’hui encore, seuls les Tribunaux rabbiniques sont compétents pour prononcer
ou dissoudre les mariages. Et le Tribunal ne peut prononcer le divorce qu’avec
le consentement du mari. Viviane est résolue à divorcer de son mari
ultra-religieux. Il lui faudra pour ça lutter contre un système absurde, où les
juges parlent de tout sauf de la demande initiale. Un film coup de poing, servi
par le jeu et la beauté de Ronit Elkabetz, qui scanne avec précision et émotion
la rage d’une femme pour conserver ses droits dans le cadre d’une procédure de
divorce en Israël. Ce film nous rappelle justement que même dans les pays
démocratiques, le droit des femmes est toujours un combat à mener.
L’incontournable, à revoir,
Philadelphia, de Jonathan Demme, (1993)
Tom
Hanks et Denzel Washington et une B.O. signé du boss, Bruce Springsteen. What
Else ? Du cinéma comme les américains seuls savent le faire. Un grand
sujet de société, le sida et l’homosexualité dans les années 90, des grands
sentiments, de grands acteurs. Préparez vos mouchoirs.
La comédie (à l’américaine),
Menteur, Menteur (1997), de Tom Shadyac
La vérité ? quelle vérité ? Fletcher Reede, jeune ténor du barreau n’en connaît qu’une seule, celle qui sert ses clients. Et pour ça il est prêt a tout. C’est simple chez lui le mensonge est une seconde nature, une habitude, un art de vivre. Tant et si bien qu’il en vient même à mentir à son fils qui, en soufflant ses bougies, souhaite que son père ne puisse plus mentir pendant 24h. Et parfois, vous le savez bien, les vœux, même les plus fous, sont exhaussés… Une comédie jubilatoire et touchante.
Petit détour maintenant du côté de la bibilothèque :
L’indispensable,
Le procès , de Kafka – Parution 1933
Un petit matin, Joseph K,
petit homme sans histoire, est arrêté chez lui par des policiers sanglés dans
leur uniforme militaire. Joseph K. ne sait pas ce qu’on lui reproche, il n’a
commis aucun crime. Il a confiance dans la justice, il croit au quiproquo. Il
se fera broyer par un système inique. Violente dénonciation des dictatures pour
certains, mélancolie de l’absurde pour d’autres, peu importe comment on le lit,
« Le procès » est, sans appel, incontournable.
La réponse,
Même les monstres, de Thierry Illouz – Parution 2018
Combien de fois, chers
pénalistes, avez vous du répondre à cette question : « mais comment tu
fais pour défendre des monstres ? » ? Maître Illouz raconte son
parcours, son passé, ses difficultés. Pas pour justifier, mais pour comprendre.
Il ne défend pas des crimes, il défend des hommes.
Le roman,
La concordance des dents, de Jean Paul Carminati – Parution 2001
L’histoire
d’un type, Bergamo, qui se réveille avec une rage de dents n’a à priori pas
grand chose à voir avec le monde de la justice. Et si on ajoute à ça que c’est
drôle, grinçant, touchant parfois et absolument maitrisé, ça ne change rien à
l’affaire. Vous vous demandez ce que ce roman vient faire dans cette liste. Et
bien son auteur est un confrère! La concordance des dents était son premier
roman. Depuis son héros a navigué vers d’autres histoires et, si vraiment vous
souhaitez rester dans la thématique de la justice, ruez vous sur « Vice de
fond ». C’est tout aussi brillant.
La perle,
Article 353 du Code pénal, de Tanguy Viel –
Parution 2017
C’est
l’histoire d’une victime. Une victime qui a commis un meurtre. Pas de légitime
défense dans ce huis clos mais un homme qui, interrogé par un juge
d’instruction, déroule le fil de son existence. Son licenciement, son divorce,
son ado, et puis ce projet immobilier dont il devait être fier et qui a fini
par le plomber. Une arnaque aux petites gens dont il a voulu se venger. Le
style épuré jusqu’à la moelle de Tanguy Viel, les phrases longues et le souffle
court, font ici des merveilles. Un roman social indispensable.
L’introspectif,
Pirate N°7 de Elise ARFI – Parution 2018
Souvent les avocats plaident en disant « je » pour parler de leur client. C’est une façon de donner corps et voix à celui qu’ils défendent. C’est parfois aussi à l’image de la relation qu’ils entretiennent avec lui. Il y a des clients qui vous bouleversent. Ça a été le cas pour Elise Arfi quand elle a rencontré Farhan, un jeune homme mis en examen et placé en détention provisoire pour des faits d’homicide volontaire et actes de piraterie. De cette rencontre dans les couloirs de l’instruction et jusqu’à l’audience devant la Cour d'assises, Elise Arfi nous livre un récit bouleversant, écrit au vitriol, narrant tantôt les méandres de ce que peut être la Défense des plus faibles, privés de leur langue, de leur coutume, de leurs droits, tantôt sa vie à elle, sans pudeur, ballotée au rythme de ses échecs, de ses peurs, de son combat pour tenter de sauver la peau de Farhan. Loin des « mémoires » de ses ainés qui règnent dans les rayons des librairies, l’avocate livre un roman qui met à nue toute la violence, les doutes, mais surtout la passion qui l’animent. A lire d’urgences.
Le plus précis,
Porter
leur voix – Laure Heinich
Certains avocats écrivent aussi bien qu’ils plaident. Me Laure Heinich est de celle-là dont la plume sert à peindre le quotidien, les affres de la vie de pénaliste, le combat avec les magistrats, les difficultés à faire entendre leur voix à travers la leur. Par ce livre servi par quelques unes de ses affaires, Me Heinich décrit son métier, aussi passionnant qu’il peut être tour à tour frustrant, humiliant, déroutant. Etre pénaliste c’est porter leur voix qui n'est plus écoutée. Avocat pénaliste, Laure Heinich tient également sur Rue 89 une chronique intitulée "Derrière le barreau". Document, récit et profession de foi, son livre rappelle qu'entre effarement et compassion, douleur et révolte, un avocat doit avant tout conserver sa faculté de résistance et, finalement, sa liberté de déplaire.
Et en Bonus on vous a mis quelques séries. A choisir selon votre humeur :
Si vous avez les nerfs solides,
When they see us, d’Ava Duvernay
Une
mini série glaçante où cinq mineurs sont accusés et emprisonnés d’un viol
atroce commis dans Central Park. Les éléments plaident pour eux mais la justice
a besoin de coupable et ceux là sont idéals puisqu’ils sont noirs. Les
enquêteurs vont les pousser aux aveux mensongers, le système va les broyer.
L’affaire a eu lieu en 1989, mais leur déclaration de culpabilité, extorquée
par des policiers peu scrupuleux, n’a été annulée qu’en 2002. On vous prévient
si cette mini série est nécessaire, elle est aussi extrêmement sombre et
glaçante.
Si vous êtes girl power,
The good wife, de Robert King
La bonne épouse c’est la
femme du procureur de New York. Celle qui pendant des années est restée dans
l’ombre de son mari et qui a décidé de reprendre son activité d’avocate. Une
série qui parle de politique, de justice, d’amour aussi un peu, mais surtout
d’une héroïne de quarante ans passés qui décide de se réapproprier sa vie. La
première saison est sortie en 2009… Visionnaire ?
Si vous l'avez pas encore vue, la géniale série française,
Engrenages, d’Alexandra
Clert
Qui a dit qu’en France on
ne savait pas faire de bonnes séries ? Flics au bord de la crise nerfs,
crime crapuleux, politicien véreux et avocats sur le fil, ici personne n’est
épargné. Les héros n’en sont pas et c’est justement ça qu’on aime. C’est crade,
ça sent la sueur, mais c’est imparable. Saison après saison, déjà sept de
diffusées, le style s’est affiné, les personnages se sont dessinés et les
enquêtes se sont complexifiées. Et en plus vous ne passerez pas votre temps à
hurler sur les erreurs de procédures : les scénaristes ont été entourés
des meilleurs conseillers (Me Kahil, Me Clarisse SERRE) et s’il reste quelques
inconhérences, elles ne sont là que pour servir l’histoire … et heureusement !
Imaginez un peu une série qui suivrait le temps judiciaire à la précision :
on en finirait pas !
Enfin, si vous avez besoin de vous détendre et êtes un peu nostalgique
L’inoubliable,
Ally McBeal, de David E. Kelley
On
vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… Mais
avant la fin des années 90, les bonnes séries télé c’était à peine concevable.
Puis sont arrivées, presque en même temps, Friends, Urgences et, donc Ally
Mcbeal. Une série délirante sur une jeune avocate. C’est ahurissant de liberté
et d’inventivité, ça chante, ça danse, ça s’aime, ça se sépare. Et il y a même
et surtout Barry White.
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